Actualité

dimanche 29 mars 2015

«Le Monde est Bardo!», clament les Tunisiens lors de la marche contre le terrorisme

Une importante foule rejointe par des dirigeants étrangers a défilé dimanche à Tunis "contre le terrorisme" en réaction à l'attentat sanglant du musée du Bardo, juste après l'annonce de la mort du chef du principal groupe jihadiste de Tunisie.

"Tunisie libre, terrorisme dehors", "Notre pays est plus fort que vous", ont scandé les manifestants de tous âges au milieu d'une mer de drapeaux tunisiens.

Ils ont été rejoints en milieu de journée par le chef de l'Etat tunisien Béji Caïd Essebsi, notamment accompagné par ses homologues français François Hollande et palestinien Mahmoud Abbas ainsi que par les chefs des gouvernements italien Matteo Renzi et algérien Abdelmalek Sellal.

"Un grand salut au peuple tunisien qui a prouvé qu'il ne cèderait pas au terrorisme. Merci à tous et je dis au peuple tunisien: 'En avant! Tu n'es pas seul'", a lancé M. Caïd Essebsi, 88 ans, l'initiateur de la marche.

Les autorités n'ont donné aucune estimation du nombre des participants à cette marche qui rappelait celle organisée en janvier après les attentats de Paris.

"Tous ces gens sont venus dire aujourd'hui dire 'non au terrorisme' et pour transmettre un message aux terroristes: la Tunisie est intouchable!" a déclaré à l'AFP l'un d'eux, Tayea Chihaoui, venu spécialement de Sidi Bouzid (centre).

"Que ces terroristes aillent au diable et nous laissent vivre en paix", a lancé Fadhila Lahmar, une sexagénaire.

- Sous haute sécurité -

Les dirigeants ont marché dans une mêlée d'officiels et de journalistes sur une centaine de mètres dans un périmètre complètement bouclé par des centaines de policiers munis d'armes automatiques. Des hélicoptères survolaient la zone tandis que des tireurs d'élite étaient postés sur les toits.

Ce défilé officiel a longé l'enceinte où se trouvent le Parlement et le musée du Bardo. Les dignitaires ont ensuite inauguré une stèle portant les noms des victimes de l'attentat du 18 mars qui a fait 22 morts (21 touristes et un policier tunisien). Celui de la quatrième Française décédée la veille a été rajouté dans la hâte sous cette mosaïque.

Dans un lapsus qui a provoqué l'hilarité, M. Caïd Essebsi a évoqué "François Mitterrand", le chef de l'Etat français décédé en 1996, au lieu de remercier M. Hollande.

"Le terrorisme a voulu frapper un pays, la Tunisie, qui avait engagé le Printemps arabe et qui a eu un parcours exemplaire en matière de démocratie, de pluralisme", a déclaré M. Hollande, présent bien que se déroule en France le second tour des élections départementales.

"Aujourd'hui nous sommes ici pour donner un message d'espoir (...). Nous désirons dire que la Tunisie n'est pas seule. Nous sommes ensemble à combattre le terrorisme", a dit de son côté Matteo Renzi.

- 'Succès' -

 Peu avant la marche, le Premier ministre Habib Essid a annoncé la mort du chef du principal groupe armé jihadiste tunisien, l'Algérien Lokmane Abou Sakhr, accusé par Tunis d'avoir "dirigé" l'attaque contre le musée du Bardo.

Neuf jihadistes "parmi les plus dangereux terroristes de Tunisie", membres de la Phalange Okba Ibn Nafaa, ont en tous été abattus dans la région de Gafsa (centre-ouest), selon le ministère de l'Intérieur.

Le ministre de l'Intérieur Najem Gharsalli a précisé lors d'une conférence de presse qu'ils avaient été localisés puis abattus à un barrage alors qu'ils se déplaçaient en voiture.

Les autorités ont accusé le groupe Okba Ibn Nafaa, qui est lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), d'être derrière l'attaque du musée bien que celle-ci ait été revendiquée par l'organisation rivale Etat islamique.

Okba Ibn Nafaa est en outre tenu responsable de la mort de dizaines de policiers et militaires depuis décembre 2012.

Le parti islamiste Ennahda, deuxième force politique du pays présente dans la coalition gouvernementale, et la puissante centrale syndicale UGTT avaient appelé à participer en masse à la marche.

Mais le Front populaire, coalition de gauche et principale formation d'opposition, a annoncé qu'il la boycottait, accusant d'"hypocrisie" certains participants, dans une claire allusion à Ennahda.

De nombreux politiques de gauche accusent en effet le parti islamiste de s'être montré laxiste face à la montée des courants jihadistes lorsqu'il était au pouvoir (fin 2011-début 2014).

Liste des principales personnalités étrangères attendues pour la marche contre le terrorisme

De nombreux hôtes de marque ont confirmé leur déplacement à Tunis pour la grande marche de dimanche contre le terrorisme. Le porte-parole de la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Hassane Fathalli, en a donné la liste, dans une déclaration à l’agence TAP.<br/>
Chefs d’Etat
Le président français François Hollande;
Le président palestinien Mahmoud Abbas;
Le président polonais Bronislaw Komorowski;
Le président gabonais Ali Bongo Odimba
Chefs de gouvernement et Premiers ministres
Le premier ministre algérien Abdelmalak Sallal;
Le premier ministre italien Matteo Renzi;
Le premier ministre belge Charles Michel;
Le premier ministre libyen Abdellah Thnaï;
Le vice-président du conseil des ministres bahreini, Cheikh Khalid Ben Abdallah Al-Khalifa;
Présidents de parlements ou leurs représentants:
La présidente de l’Assemblée nationale italienne Laura Boldrini;
Le président du Conseil national suisse, Claude Hêche;
Le président du parlement arabe, Ahmed Ben Mohamed Al-Jarouane;
Le président de l’Assemblée nationale du Koweit, Moubarak Al-Khurainej;
Le représentant du président de l’Assemblée nationale marocaine, Ahmed Touhami;
Le vice-président du Parlement européen, Ramon Luis Valcarcel Siso.
Ministres:
Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Jose Manuel Garcia;
Le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas De Maisiere;
Le vice-ministre égyptien des Affaires étrangères, Abdul Rahman Salah;
Le ministre jordanien de l’Intérieur, Hussein Nazzaa Al-Jammaali;
Le vice ministre britannique des Affaires étrangères;
Le ministre qatari de la culture, Abdelaziz Al-Kawari;
Le ministre émirati de la culture, cheikh Nahyane Ben Moubarak Al-Nahyane;
Le directeur de cabinet du président de la République irakienne Nassir Al-Ani.
Représentants d’organisations:
Le président de l’Organisation mondiale du tourisme;
L’ambassadeur de l’Organisation de la coopération islamique Salmane Al-Cheikh;
La directrice-générale de l’UNESCO, Irina Bokova;
La vice-présidente du Comité international olympique, Nawal Moutawakkel.
Les ambassadeurs et chefs des missions diplomatiques des pays frères et amis accrédités à Tunis seront eux aussi présents.




Tunisie: 9 jihadistes tués

La Tunisie a revendiqué dimanche un succès important contre sa mouvance jihadiste avec la mort de neuf "terroristes parmi les plus dangereux" du pays, juste avant une marche internationale en réponse à l'attentat sanglant au musée du Bardo.

Le président François Hollande, ses homologues polonais et palestinien Bronislaw Komorowski et Mahmoud Abbas, ainsi que les chefs des gouvernements italien et Algérien Matteo, Renzi et Abdelmalek Sellal, ont notamment confirmé leur participation à la marche prévue à la mi-journée devant le musée.

Quelques heures avant son début, le ministère de l'Intérieur a annoncé que les forces de l'ordre avaient abattu tard samedi soir dans la région de Gafsa (centre-ouest) neuf combattants de la Phalange Okba Ibn Nafaa, le principal groupe jihadiste de Tunisie, accusé par les autorités de l'attaque du Bardo le 18 mars.

"On est très content (...) Les neuf étaient parmi les plus dangereux terroristes de Tunisie", a assuré le porte-parole du ministère, Mohamed Ali Aroui.

Le ministère a accusé jeudi Okba Ibn Nafaa, qui est liée à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), d'être derrière l'attaque contre du musée, bien que celle-ci a été revendiquée par l'organisation jihadiste rivale Etat islamique.

Des radios tunisiennes ont affirmé qu'un chef du groupe, l'Algérien Lokmane Abou Sakhr, était parmi les neuf morts mais le ministère a indiqué qu'il était trop tôt pour tirer de telles conclusions.

Abou Sakhr a été accusé par le ministre de l'Intérieur, Najem Gharsalli, d'avoir "dirigé" l'attaque du Bardo.

Son groupe --qui serait composé de plusieurs dizaines d'hommes, des étrangers comme des Tunisiens -- est responsable selon les autorités de la mort d'une soixantaine de policiers et militaires depuis décembre 2012.

- 'Le monde réagit' -

La Phalange Okba Ibn Nafaa a notamment revendiqué l'attaque en 2014 contre la maison du ministre de l'Intérieur de l'époque à Kasserine, ville voisine du mont Chaambi où se trouve le principal maquis jihadiste en Tunisie.

La réussite de cette opération intervient alors qu'à 11H00 (10H00 GMT) doit débuter une marche populaire à laquelle les autorités attendent "des dizaines de milliers de personnes" pour dénoncer l'attaque du Bardo qui a fait 22 morts, 21 touristes étrangers et un policier, un bilan revu à la hausse samedi après le décès d'une Française grièvement blessée.

Les invités de marque accompagneront, eux, vers 12h00 (11h00 GMT) le président tunisien Béji Caïd Essebsi sur une centaine de mètres le long de l'enceinte du musée, avant d'y inaugurer une stèle à la mémoire des victimes.

M. Hollande sera présent bien que se déroule en France le second tour des élections départementales.

"Désormais, tout le monde réagit après chaque attentat terroriste comme si l'attentat était perpétré chez lui", a souligné le président tunisien au quotidien français Ouest-France.

Cette marche rappelle celle organisée en janvier par M. Hollande après les attentats de Paris contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, une policière et un supermarché casher.

La Tunisie, pays pionnier du "Printemps arabe", a malgré les turbulences achevé sa transition avec des élections fin 2014, mais sa stabilité pourrait être menacée par l'essor de la menace jihadiste ainsi que par les difficultés économiques et sociales persistantes qui étaient à la racine de la révolution de 2011.

- Divisions -

Le parti islamiste Ennahda, deuxième force politique du pays présente dans le gouvernement de coalition, a appelé ses partisans à participer à la marche "pour exprimer l'unité des Tunisiens face à ce danger et leur détermination à défendre leur patrie et (...) préserver leur liberté".

La puissante centrale syndicale UGTT a également invité ses membres à y participer "massivement".

Mais le Front populaire, coalition de gauche et principale formation d'opposition, a annoncé qu'il n'y prendrait pas part pas en accusant d'"hypocrisie" certains participants, dans une claire allusion à Ennahda.

De nombreux politiques de gauche accusent en effet le parti islamiste de s'être montré laxiste face à la montée de courants jihadistes lorsqu'il était au pouvoir (fin 2011-début 2014) et d'être responsable, voire complice, des assassinats en 2013 de deux membres du Front populaire, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. AFP 29/03/2O15

mardi 24 mars 2015

Tunisie: limogeage de plusieurs responsables sécuritaires après l’attentat du Bardo

Le Premier ministre tunisien, Habib Essid, a limogé plusieurs hauts cadres des services sécuritaires cinq jours après l’attentat terroriste qui a coûté la vie à 21 personnes dont 20 touristes étrangers, a-t-on appris lundi auprès de la présidence du gouvernement à Tunis.

« Ces décisions ont été prises une heure après une visite effectuée sur le terrain à minuit dans la zone du Bardo où il a constaté des défaillances dans le dispositif sécuritaires », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Mofdi Mseddi, joint au téléphone par la PANA.

Le Bardo est une banlieue de Tunis située à environ cinq kilomètres du centre de la capitale. Le musée théâtre de l’opération perpétrée par deux éléments armés de fusils d’assaut Kalachnikov, est mitoyen du bâtiment qui abrite le parlement qui, au moment de l’attaque, discutait, en présence de responsables de la sécurité et de l’armée, d’un projet de loi anti-terroriste.

Parmi les cadres limogés figurent les chefs des districts de police du Bardo et du Grand Tunis, ainsi que le directeur de la police touristique et le chef du renseignement. Le Premier ministre a aussitôt nommé leurs successeurs, a précisé le porte-parole.

L’attaque a été revendiquée par l’organisation de « l’Etat islamique » (Daech, en arabe).

Dimanche, le Président Béji Caïd Essebsi avait reconnu, dans une interview à des médias français, que des « dysfonctionnements » avaient été enregistrés dans le dispositif sécuritaire lors de l’opération du Bardo, assurant que des sanctions seront prises contre ceux qui en sont responsables.

Outre les deux auteurs de l’attentat tués par la brigade antiterroriste, un troisième homme, en fuite, serait directement impliqué. Selon le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Aroui, il serait le coordinateur de l’opération.

Le ministère a lancé, dans sa page officielle Facebook, un avis de recherche appelant les citoyens à alerter les autorités au cas où ils apercevaient cet élément dénommé Maher Ben Mouldi Gayed, un peu plus de la vingtaine. Deux photos ont été publiées de ce « dangereux terroriste », l’une le montrant rasé et en tee-short, l’autre barbu et portant des habits religieux.

Le président tunisien avait noté que ce troisième homme avait été identifié et filmé par les caméras de surveillance avec les deux autres. « Il y a deux qui ont été éliminés et un autre qui court encore, mais il n’ira pas très loin », a déclaré Caïd Essebsi.

Selon Rafik Chelly, secrétaire d’Etat chargé de la Sécurité, l’homme recherché est celui montré avec les deux tueurs à l’intérieur du musée dans une vidéo diffusée par le ministère de l’Intérieur. Ce dernier qui réside à Tunis, serait celui qui conduisait la moto Vespa qui a amené les tueurs, a dit M. Chelly à Paris-Match, sans préciser s’il a été arrêté parmi la vingtaine de personnes interpellées.

Il a déclaré que les deux tueurs avaient reçu une formation au maniement des armes dans un camp d’entraînement en Libye avec le groupe « Ansar Al Shariaa ».

Le chef de ce groupe classé terroriste par les autorités, Seifallah Ben Hassine, alias Abu Iyadh, a fui en Libye après l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis en septembre 2012 dont il est accusé d’être l’instigateur.

Pendant ce temps, dans un « acte symbolique », les autorités s’activent à rouvrir le musée du Bardo dès mardi alors que des experts sont à pied d’œuvre pour opérer les réparations et effacer les traces de l’attaque terroriste dont il a été le théâtre.

Selon son conservateur, Moncef Ben Moussa, le musée a subi des dégâts mineurs « réparables » occasionnés par les balles lors de l’attaque terroriste. Il a affirmé que les pièces archéologiques qui y sont exposées sont « intactes ».

Le musée du Bardo est le plus important du pays. Il renferme un riche patrimoine de la civilisation plusieurs fois millénaire de la Tunisie, notamment une collection unique de mosaïques romaines.

Un grand nombre d’artistes, des peintres, des chanteurs et des groupes musicaux doivent assister à la réouverture du musée, selon les organisateurs.

Pour M. Ben Moussa, « c’est un défi, mais aussi un message pour dire (aux terroristes) que la Tunisie reste debout et se relèvera ».

Mardi après-midi, les participants au sommet mondial social que la Tunisie abritera pendant trois jours organiseront une marche vers le musée du Bardo sous le signe « les peuples du monde solidaires avec la Tunisie, pour la liberté et contre le terrorisme », a déclaré l’organisateur du sommet, Abderrahmane Hedhili.

Par ailleurs, la ministre du Tourisme, Selma Rekik, a annoncé l’organisation dimanche prochain d’une « grande marche » à Tunis à l’instar de ce qui avait eu lieu à Paris après l’attaque contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo, avec la participation de tous les partis politiques, de la société civile et de hautes personnalités étrangères dont le président de l’Organisation mondiale du Tourisme.

jeudi 19 mars 2015

Le groupe EI revendique l'attaque meurtrière contre des touristes à Tunis

Le groupe jihadiste Etat islamique (EI) a revendiqué jeudi l'attentat du musée du Bardo à Tunis qui a coûté la vie à 20 touristes et un Tunisien, une attaque inédite depuis 2011 faisant craindre une déstabilisation de la jeune démocratie tunisienne.

L'attaque, la plus meurtrière perpétrée par l'EI contre des Occidentaux, a été revendiquée dans un message audio sur internet. Le groupe extrémiste sunnite, qui compte des centaines de combattants tunisiens dans ses rangs, a menacé la Tunisie d'autres attaques.

L'opération, selon l'EI, a été menée mercredi par "deux chevaliers du califat, Abou Zakaria al-Tounsi et Abou Anas al-Tounsi", "munis d'armes automatiques et de grenades", qui sont "parvenus à assiéger un groupe de ressortissants des pays croisés (...) semant la terreur dans le c?ur des infidèles en Tunisie musulmane".

Elle a frappé le plus prestigieux musée du pays faisant 21 morts, selon un dernier bilan officiel. Treize d'entre eux ont été identifiés, dont trois Japonaises, deux Français, deux Espagnols, une Britannique.

Une bonne partie des victimes étaient des croisiéristes descendus de leur paquebot en escale pour découvrir Tunis. Elles ont été la cible des tirs au moment où elles descendaient de leur bus et entraient au musée dans lequel elles ont été pourchassés.

Les autorités ont annoncé la mort de deux assaillants, identifiés comme Yassine Abidi et Hatem Khachnaoui, puis l'interpellation de neuf suspects dont "quatre éléments en relation directe avec" l'attaque.

Au vu des "circonstances exceptionnelles", l'armée va désormais participer à la sécurisation des accès des grandes villes par des patrouilles, selon la présidence.

Le Premier ministre Habib Essid a reconnu "des failles sécuritaires", alors que le musée est mitoyen du Parlement où se tenait, au moment de l'attaque, une réunion de cadres militaires et de la justice sur la réforme de la loi antiterroriste. Il a promis une "enquête approfondie".

Seule heureuse nouvelle, deux touristes espagnols ont été retrouvés dans le musée où ils avaient passé la nuit cachés à l'initiative d'un employé, également sain et sauf.

- 'Terrorisme dehors' -

Condamné par la communauté internationale, l'attentat a provoqué une très forte émotion en Tunisie et de multiples appels à l'unité.

En fin d'après-midi, environ 200 personnes ont participé à un "rassemblement populaire silencieux" devant le musée du Bardo, certains enveloppés dans le drapeau tunisien.

"Tunisie libre, terrorisme dehors", ont-elles scandé. Des bouquets de fleurs ont été déposés devant l'entrée du musée, où des traces de sang étaient encore visibles.

"Je suis venue pour faire passer un message: nous sommes toutes et tous contre le terrorisme", a déclaré une jeune enseignante, Emna Dammak.

Le principal syndicat, l'UGTT, a appelé à "mobiliser les forces du peuple et tous les organes de l'État à déclarer la guerre au terrorisme". Le chef du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, s'est dit convaincu que "le peuple se tiendra uni face à la barbarie".

Le président Béji Caïd Essebsi a lui promis que "les traîtres seront anéantis".

L'attaque du Bardo est la plus grave depuis l'attentat suicide, revendiqué par Al-Qaïda, contre une synagogue à Djerba (sud) qui avait coûté la vie à 14 Allemands, deux Français et cinq Tunisiens en 2002.

C'est aussi la première fois depuis la révolution de janvier 2011 que des étrangers sont visés alors que le pays s'est imposé comme un modèle de stabilité et d'ouverture dans le monde arabe, l'essentiel des Etats du Printemps arabe ayant basculé dans le chaos et la répression.

- 'Impact économique' -

Le gouvernement tunisien a notamment qualifié de "terrible" "l'impact économique" pour le pays: le tourisme, déjà en crise, en est l'un des secteurs stratégiques.

Les groupes italiens MSC Croisières et Costa Croisières, dont des passagers ont été touchés au musée, ont annoncé la suspension de leurs escales à Tunis. Chacun avait un paquebot avec plus de 3.000 passagers en escale à Tunis mercredi.

Le Syndicat des tour-opérateurs français (Seto) a en revanche indiqué qu'il n'y avait pas, pour l'heure, de vague d'annulations" auprès des voyagistes français.

Deux mois et demi après les attentats ayant ensanglanté Paris, le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve est attendu vendredi à Tunis pour évoquer la coopération antiterroriste.

L'Italie a déjà annoncé un renforcement de son dispositif en Méditerranée.

Depuis 2011, les autorités tunisiennes luttent contre un groupe jihadiste lié au réseau Al-Qaïda au Maghreb islamique, la Phalange Okba Ibn Nafaâ, qui a tué des dizaines de policiers et soldats dans les montagnes à la frontière algérienne.

En outre, au moins 500 Tunisiens ayant combattu en Irak, en Syrie ou en Libye dans les rangs d'organisations jihadistes comme l'EI, sont rentrés au pays et la police les considère comme l'une des principales menaces sécuritaires.

L'EI, qui sème la terreur dans les territoires qu'il contrôle en Irak et en Syrie, ne cache pas son ambition d'étendre son "califat" islamique à d'autres pays de la région arabe et même en Afrique. (AFP) le 19 mars 2015

mercredi 18 mars 2015

Tunisie: 24 morts, dont 20 touristes, dans une attaque contre le musée du Bardo à Tunis

Au moins 24 personnes, dont 20 touristes et deux asaillants ont été tuées mercredi dans une attaque menée par des hommes armés contre le musée du Bardo à Tunis, selon le ministère de l’intérieur tunisien. Il y aurait aussi 42 blessés, dont six Français. Un assaut de la police a mis fin à l’attaque, a annoncé la télévision nationale Wataniya1

22 personnes sont mortes dans l’attaque, dont 20 touristes polonais, italiens, allemands et espagnols, ainsi qu’un policier et un civil tunisien auxquels s’ajoutent les deux assaillants, a annoncé le Premier ministre tunisien Habib Essid dans une déclaration. Selon les autorités françaises, il n’y a pas de Français parmi les personnes tuées dans l’attaque.
Les deux assaillants auraient été tués dans l’assaut lancé par les forces de sécurité tunisiennes. « Il y a une possibilité, mais pas de certitude, (que les deux assaillants tués) pourraient avoir été appuyés par deux ou trois éléments et nous menons de vastes opérations de recherches pour identifier ces deux ou trois terroristes », a ajouté le Premier ministre.
Le ministre de la Santé Saïd Aïdi a fait état de 42 blessés, notamment des ressortissants d’Afrique du Sud, de Pologne, d’Italie et du Japon. Parmi ces blessés, il y a aussi six Français, a indiqué une source diplomatique française en marge du déplacement du Premier ministre Manuel Valls à Bruxelles. Une enquête a d’ailleurs été ouverte à Paris.
Un assaut de la police a mis fin à l’attaque par des hommes armés contre le musée, a annoncé la télévision nationale Wataniya1, assurant que tous les visiteurs avaient été évacués. « Fin de l’opération sécuritaire aux abords de l’Assemblée des représentants du peuple, deux terroristes ont été tués et évacuation de tous les touristes qui étaient retenus », a-t-elle annoncé.
Selon le porte-parole, une centaine de touristes se trouvaient dans le musée lorsque l’attaque s’est produite. Les assaillants, vêtus d’uniformes militaires, ont ouvert le feu sur les touristes alors que ces derniers descendaient de leurs bus puis ils les ont pourchassés à l’intérieur, a relaté le Premier ministre.
Une touriste française évacuée par les forces de sécurité a raconté à la chaîne française i-Télé qu’elle avait dû avec un groupe de touristes français se « retrancher » dans une salle du premier étage du musée quand les tirs ont éclaté. Elle a fait état dans un premier temps de tirs à l’intérieur du musée, puis ensuite à l’extérieur.
Le ministère italien des Affaires étrangères, cité par les agences italiennes, a indiqué que deux Italiens avaient été blessés et une centaine mis en sécurité par les forces de l’ordre tunisiennes après l’attaque contre le musée à Tunis. Des touristes présents voyageaient avec le croisiériste Costa.

Réactions
François Hollande a exprimé la « solidarité de la France » avec la Tunisie lors d’une brève conversation téléphonique avec son homologue tunisien Béji Caïd Essebsi. « Le président a parlé à l’instant au président tunisien pour lui témoigner de la solidarité de la France avec lui-même et le peuple tunisien dans ce moment très grave ».
Un peu plus tôt, le Premier ministre français Manuel Valls avait condamné mercredi « avec la plus grande fermeté » l’attaque contre le musée du Bardo à Tunis, parlant d’une « prise d’otages » en cours. « Il y a une prise d’otages, sans aucun doute des touristes touchés, tués », a indiqué M. Valls lors d’une conférence de presse à Bruxelles, ajoutant que cette « attaque terroriste (…) illustre cruellement les menaces auxquelles nous sommes tous confrontés en Europe, en Méditerranée, dans le monde ».
Le président tunisien Béji Caïd Essebsi a de son côté assuré que la Tunisie va tout faire pour empêcher de nouvelles attaques. « Les autorités ont pris toutes les mesures pour que de telles choses n’arrivent plus », a-t-il dit après avoir rendu visite aux blessés à l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis. Le chef de l’État a souligné que ce défi était le même pour toute la région. Évoquant la descente dans le chaos de la Libye voisine où le groupe État islamique est actif, M. Caïd Essebsi a dit : « Nous nous attendions à ce qu’il y a une action d’un degré élevé » en Tunisie aussi.

Tunisie: au moins 8 morts dont 7 étrangers dans une attaque contre un musée

Tunis - Au moins huit personnes, dont sept étrangers, ont été tuées mercredi dans une attaque menée par des hommes armés contre le musée du Bardo à Tunis, a annoncé le ministère de l'Intérieur.

Une attaque terroriste (a visé) le musée du Bardo, a affirmé le porte-parole du ministère Mohamed Ali Aroui sur la radio Mosaïque FM, en évoquant deux éléments terroristes ou plus, armés de Kalachnikov.

Il y a huit victimes, a-t-il ensuite indiqué à la presse, en précisant qu'il s'agissait de sept étrangers et d'un Tunisien. Selon le porte-parole, une centaine de touristes se trouvaient dans le musée lorsque l'attaque s'est produite et la majorité des touristes ont été évacués.

M. Aroui n'a pas confirmé s'il s'agissait d'une prise d'otages comme plusieurs médias l'ont évoqué. Mais il y a des informations selon lesquelles il y a encore des touristes à l'intérieur, a-t-il ajouté. Les unités anti-terroristes sont entrées dans le musée, a-t-il affirmé, en précisant que le quartier était bouclé.

Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, va s'adresser aux Tunisiens, a indiqué à l'AFP le porte-parole de la présidence, Moez Sinaoui. Le Premier ministre Habib Essid s'est de son côté réuni avec les ministres de l'Intérieur et de la Défense. D'importants renforts policiers étaient sur place, selon des journalistes de l'AFP sur place. 

Le musée est mitoyen du Parlement tunisien où les travaux des commissions parlementaires ont été suspendus après les tirs. Les députés ont reçu l'ordre de se rassembler dans le hall de l'assemblée, a dit à l'AFP Monia Brahim, élue du parti islamiste Ennahda.

La Tunisie fait face depuis la révolution de janvier 2011 à l'essor d'une mouvance jihadiste armée. Une soixantaine de policiers et militaires ont été tués dans des heurts armés notamment près de la frontière algérienne où un groupe armé lié à AL Qaïda est actif.
(AFP / 18 mars 2015)

Un des hommes les plus recherchés de Tunisie tué en Libye

TUNIS,  - L'un des hommes les plus  recherchés de Tunisie, qui commandait en Libye une unité de djihadistes du groupe Etat islamique (EI), a été tué au cours de combats contre les forces libyennes près de la ville de Syrte, a-t-on appris mardi de source proche des services de sécurité 
tunisiens. 
    La mort du Tunisien Ahmed Rouissi confirme l'importance grandissante que jouent les djihadistes étrangers dans le conflit libyen, où deux gouvernement rivaux et leurs forces armées s'affrontent depuis des mois. Rouissi était un haut responsable de l'organisation extrémiste tunisienne Ansar al Charia, considérée comme terroriste par les Etats-Unis. 
    "Selon les informations dont nous disposons, nous pouvons dire que Rouissi a été tué au cours des derniers combats en date à Syrte", a-t-on dit de même source. 
    Selon les autorités tunisiennes, Rouissi était le cerveau des attentats qui ont coûté la vie à deux responsables de l'opposition tunisienne en 2013, Mohammed Brahmi et Chokri Belaïd.  
    La Tunisie a annoncé d'autre part mardi avoir démantelé quatre cellules de recrutement de djihadistes pour la Libye et arrêté une trentaine de personnes dans le cadre du renforcement des contrôles à ses frontières. 
    Les Tunisiens, qui partaient jusqu'ici en nombre pour  combattre en Irak et en Syrie, se rendent désormais également en Libye voisine où l'Etat islamique a récemment étendu son influence, profitant du chaos provoqué par la rivalité entre les deux gouvernements qui se disputent le pouvoir. 
    "Les responsables de la sécurité et de l'armée ont arrêté dix terroristes qui tentaient de s'introduire en Libye pour y rejoindre les groupes armés", a annoncé le ministère de l'Intérieur dans un communiqué. 
    Le démantèlement des quatre filières de recrutement vers la Libye a également permis 22 arrestations supplémentaires, précise le communiqué. 
    Ces filières étaient coordonnées par des djihadistes tunisiens actifs en Libye qui gèrent les camps d'entraînement dans la zone frontalière avec d'autres djihadistes étrangers. 
    La Tunisie a renforcé sa présence militaire à la frontière libyenne pour faire cesser les infiltrations de djihadistes en Tunisie et en Libye, a déclaré lundi soir le Premier ministre Habib Essid. 
    Depuis sa prise de fonction début février, 400 djihadistes ont été arrêtés, a-t-il précisé 
    Jeudi dernier, l'armée tunisienne a mis la main sur deux importantes caches d'armes près de la frontière avec la Libye. (Reuters - 17 mars 2015) 

Tunisie: le procès de deux vedettes de l'audiovisuel avancé à mercredi

Tunis - La justice tunisienne a avancé à mercredi le procès de deux vedettes de l'audiovisuel et d'un de leurs collaborateurs poursuivis pour usurpation d'identité, escroquerie et offense au chef de l'Etat, a indiqué mardi à l'AFP le parquet. 

A la demande de la défense, la Cour a accepté d'avancer la date du procès au 18 mars, a déclaré le porte-parole du Parquet, Sofiène Sliti.

Après le rejet lundi soir de la demande de la libération de l'animateur Moez Ben Gharbia, l'imitateur Wassim Lahrissi et leur collaborateur Abdelhak Toumi, leur avocat Fethi Mouldi a demandé d'avancer le procès prévu dans un premier temps au 25 mars.

La date du 25 mars, c'est (un) peu loin pour mes clients qui ne sont pas habitués à la prison, c'est pour cela j'ai déposé une demande pour avancer la date du procès et nous sommes très contents de la réponse positive du parquet, a-t-il indiqué à l'AFP.

Les trois accusés ont été placés en détention provisoire vendredi.

Selon le parquet, M. Ben Gharbia, qui est sur le point de lancer sa propre chaîne de télé, a demandé à l'imitateur de se faire passer pour le président tunisien Béji Caïd Essebsi lors d'une conversation téléphonique avec un homme d'affaires à la réputation sulfureuse.

Selon Me Mouldi, ses clients effectuaient une enquête journalistique sur une affaire de corruption, mais il s'est refusé à donner d'autres précisions.

Dans un communiqué, le syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a dénoncé la détention préventive des accusés et exprimé sa crainte que leur arrestation soit une nouvelle tentative visant à intimider les journalistes et les médias.

La présidence tunisienne a pour sa part souligné être étrangères aux déboires judiciaires des accusés, ce que l'avocat a confirmé. 

L'offense au chef de l'Etat est passible de trois ans de prison (article 67 du code pénal), l'usurpation de titres de deux ans (article 159) et l'escroquerie de cinq ans (article 291).
(AFP / 17 mars 2015)

vendredi 13 mars 2015

Media: La régulation au service de la censure

A travers le monde arabe, les lois pour «réguler» le secteur des médias veulent, en réalité, renforcer le contrôle autoritaire de la liberté d’expression. Des experts et des journalistes, réunis à Tunis le week-end dernier, ont planché sur la question.

«Il n’est pas du ressort des gouvernements de décider qui est journaliste et qui ne l’est pas.» C’est la première recommandation de l’atelier sur la régulation de la profession de journaliste en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, tenu à Tunis les 6 et 7 mars, en présence de journalistes et de juristes d’Algérie, d’Egypte, de Jordanie, du Liban, du Maroc, de Tunisie et du Yémen.

Un atelier organisé par les ONG Yaqadha, Arabic Network for Human Rights Information, Centre for Law and Democracy et Intrenational Media Support, prolongement de deux autres tenus à Casablanca et à Beyrouth. Les deux journées de l’atelier ont été consacrées à l’analyse critique des différents modèles de régulation du secteur des médias et de la représentation de la profession (syndicats) dans plusieurs pays arabes ainsi qu’à la conformité de ces dispositifs avec les normes du droit universel.

Les experts et les professionnels des médias, dont Hafez Mirazi, professeur à l’université américaine du Caire et ancien directeur du bureau d’Al Jazeera à Washington, Ali Anouzla, journaliste marocain, qui a connu les geôles du royaume et un des initiateurs de l’ONG interdite au Maroc Freedom Now, ou encore le Tunisien Kamal Labidi, journaliste opposant au régime de Ben Ali, ancien directeur d’Amnesty International Tunisie et représentant du Committee to Protect Journalists pour le Moyen-Orient, entre autres, ont exposé les biais des «réformes» législatives dans la zone arabe qui se sont révélées souvent plus répressives que libérales.

Dans le texte de déclaration finale de l’atelier, appelé à être une plate-forme majeure pour les ONG, les experts et les médias, les participants ont souligné «la nécessité de limiter autant que possible les opportunités de contrôle du gouvernement sur les médias et les journalistes, opportunités que fournissent les cadres réglementaires actuels dans la plupart des pays de la région». «Le droit à la liberté d’expression, garanti par le droit international et les Constitutions des pays de la région, comprend le libre exercice de la profession de journaliste, rappelle la déclaration finale.

Aucune restriction juridique ou institutionnelle ne devrait empêcher quiconque voudrait pratiquer le journalisme. La profession de journaliste est différente des autres professions, parce que la substance du travail du journaliste concerne un droit humain fondamental.» Ce principe est consacré par les textes internationaux auxquels ont souscrit les pays arabes.

Obsession

Toby Mendel, expert juridique et président du Centre for Law and Democracy, présent à l’atelier, rappelle la déclaration, en 2003, du rapporteur onusien sur la promotion et la liberté d’opinion et d’expression : «Les journalistes individuels ne doivent pas être soumis à un régime de licence ou d’enregistrement.

Aucune restriction juridique ne doit permettre de définir qui peut exercer une activité de journaliste. Les systèmes d’accréditation des journalistes sont appropriés à condition d’être nécessaires pour leur fournir un accès privilégié à certains lieux et/ou événements ; ces systèmes doivent être contrôlés par un organe indépendant et les accréditations accordées à l’issue d’une procédure équitable et transparente, en fonction de critères clairs et non discriminants publiés à l’avance.»

Ces principes internationaux, précisent les experts, peuvent être avancés comme contre-arguments devant les tribunaux nationaux dans des cas d’entraves au travail des médias –intervention des autorités dans la distribution de la publicité ou difficultés que peuvent rencontrer les correspondants de médias étrangers pour leur accréditation– sous prétexte d’appliquer des lois sur l’information, comme l’encourage à le faire Yahia Shukkeir, journaliste jordanien et membre de International Media Lawyers Association. «Malheureusement, il est difficile de parler d’amélioration du cadre juridique régissant les médias dans le cadre de systèmes non démocratiques, regrette Ali Anouzla, du Maroc.

On avait un peu d’espoir dans la Constitution de 2011, mais il ne s’agit que d’encre sur du papier. Nous avons un système de législation autoritaire guidé par l’obsession du contrôle et non la volonté de régulation. Il y a un syndicat unique contrôlé par les autorités à travers les médias pro-pouvoir et notre ministère de l’Information garde le monopole de l’octroi de la carte professionnelle à travers une commission où le représentant du ministère a le dernier mot.

J’ai d’ailleurs refusé cette carte en tant que journaliste indépendant, ce n’est pas à l’Exécutif de définir mon identité de journaliste.» Cette obsession de contrôle semble omniprésente, même dans des contextes de pays où l’Etat risque l’effondrement, comme au Yémen : Marwan Dammaj, secrétaire général du Syndicat national des journalistes yéménites, parle aussi de l’obsession de la «régulation» comme forme de contrôle. «Les putschistes houtistes nous ont demandé, en tant que syndicat, de créer un conseil de la presse, alors que les dépassements et les violences contre les journalistes ont atteint des niveaux alarmants !»

Caporalisation

Autre exemple de l’utilisation fallacieuse des textes de réglementation unilatéralement imposés : en Jordanie, «200 sites d’information ont été interdits à cause de la loi sur l’information qui impose des conditions irréalistes aux rédacteurs en chef Web», note Yahia Shukkeir. L’autre biais par lequel les autorités tentent de museler les médias, à travers des législations sous couverture de régulation, reste les règles de représentativité des journalistes, que ce soit à travers l’organisation ou le financement des syndicats ou à travers le fait d’imposer des «conseils» des médias parrainés par l’Exécutif.

«En Egypte, où 63 journalistes croupissent en prison –un record depuis l’attentat contre Sadate–, nous sommes engagés dans une nouvelle bataille autour de l’élection du président du syndicat des journalistes, car nous espérons élire un président issu de la profession et non un semblant de journaliste pro-pouvoir», souligne Gamal Eid, directeur de Arabic Network for Human Rights Information.

Le Syndicat national des journalistes tunisiens, pour sa part, «est interdit de financement, pourtant légal, par les autorités depuis Ben Ali et jusqu’à aujourd’hui, rappelle son président Néji Beghouli. Pourquoi ? Parce que nous étions des opposants sous Ben Ali et que, même après la révolution, nous avons organisé deux grèves, nous tenons toujours à rester indépendants et militons auprès d’autres ONG tunisiennes dans différents dossiers des droits de l’homme».

Au Maroc, indique Ali Anouzla, «les structures censées représenter les journalistes et qui reçoivent des aides du pouvoir (entre 10 000 et 100 000 euros par an) ne défendent ni la liberté d’expression ni les journalistes adhérent à ces structures». Le journaliste opposant marocain explique également que le projet de loi portant création d’un Conseil national de la presse ne garantit pas l’indépendance de cette instance tant est forte la prépondérance des représentants de la justice et des éditeurs. Que faire alors pour lutter contre ces tentatives de caporalisation des médias au profit de systèmes autoritaires qui avancent masqués sous couvert de régulation et d’organisation du secteur des médias ?

«Le plus important est de toujours pousser le législateur et les autorités à respecter les normes du droit international quand il s’agit de légiférer, d’appliquer les lois ou de trancher des questions pratiques concernant la liberté d’expression», s’accordent à dire les animateurs de l’atelier à Tunis. Quelquefois, de rares exemples d’avancées positives sont enregistrés ici et là à travers le monde arabe, comme cet amendement en Jordanie qui, depuis 1999, permet au journaliste de protéger l’identité de sa source même devant un juge, cas unique dans la région. Ou la préparation, en Jordanie et au Liban, de lois pour la protection des lanceurs d’alerte.


Réforme de la réglementation des médias au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : La réglementation de la profession de journaliste

Déclaration adoptée à l’issue d’un workshop organisé à Tunis les 6 et 7 mars 2015
Nous, experts en provenance d'Algérie, Egypte, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Tunisie et Yémen, invités par le Réseau arabe d'information sur les droits de l'homme (ANHRI), le Centre pour le droit et la démocratie «Centre for Law and Democracy», l’organisation «International Media Support» (IMS) et l’association «Vigilance pour la démocratie et l’Etat civique», participant à un atelier sur «La réforme de la réglementation des médias au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : la réglementation de la profession de journaliste», réunis à Tunis les 6 et 7 mars 2015, Notant que les pays de la région ont un certain nombre de similitudes en termes d'environnement juridique relatif à la réglementation de la profession de journaliste, aux côtés de certaines différences en termes à la fois d'environnement juridique et d’application des lois ;
Préoccupés par le fait que, malgré les réformes juridiques qu’ont connues certains pays au cours des dernières années, le cadre légal réglementant la profession de journaliste reste très problématique dans de nombreux pays de la région et les systèmes conçus pour favoriser le contrôle politique de la profession restent en place dans la plupart des pays ;
Soulignant l'importance de comprendre les raisons pour lesquelles des règles juridiques restrictives régissant la profession de journaliste existent encore dans le monde arabe et ont un impact sur la régulation de la presse écrite, alors que très peu de pays dans le monde imposent de telles règles ;
Conscients des profonds changements qui ont eu lieu dans le domaine des médias et du journalisme, et en particulier de l'évolution rapide des technologies de l'information et de la communication et de la nécessité d’opérer une réforme fondamentale des systèmes de réglementation existants, pour prendre en compte les besoins des professionnels exerçant dans les médias audiovisuels et les médias numériques ;
Réaffirmant que le droit à la liberté d'expression protège à la fois l’émetteur et le récepteur et notant que la principale mission des journalistes et des médias est de répondre aux besoins et aux intérêts du public ;
Soulignant la nécessité de limiter autant que possible les opportunités de contrôle du gouvernement sur les médias et les journalistes, opportunités que fournissent les cadres réglementaires actuels dans la plupart des pays de la région ;
Reconnaissant que les règlementations dans la plupart des pays de la région constituent des obstacles devant les jeunes pour accéder à la profession de journaliste, alors qu’il est nécessaire d'encourager ces jeunes à s’engager dans des activités liées à la liberté d'expression ;
Se félicitant du fait que la plupart des pays de la région sont parties contractantes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et notant que d'autres pays sont liés par les garanties de la liberté d'expression énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme ;
Adoptons la déclaration suivante sur «La réforme de la réglementation des médias au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : La réglementation de la profession de journaliste», conformément aux standards internationaux qui sont contraignants pour les gouvernements de la région :
1. Il n’est pas du ressort des gouvernements de décider qui est journaliste et qui ne l’est pas.
2. Le droit à la liberté d'expression, garanti par le droit international et les Constitutions des pays de la région, comprend le libre exercice de la profession de journaliste. Aucune restriction juridique ou institutionnelle ne devrait empêcher quiconque voudrait pratiquer le journalisme. La profession de journaliste est différente des autres professions, parce que la substance du travail du journaliste concerne un droit humain fondamental.
3. Les syndicats et les unions des journalistes ne devraient pas agir comme des gardiens de la profession. Ils devraient plutôt servir à protéger et à promouvoir les droits de leurs membres et à faire progresser la liberté d'expression et les règles professionnelles et éthiques.
4. Les journalistes ont le droit de choisir librement les associations, syndicats ou unions auxquels ils souhaitent appartenir. Ni la loi ni les employeurs ne devraient imposer aux journalistes des conditions obligatoires d'adhérer à une association particulière, à une union ou à un syndicat.
5. L’octroi de fonds publics et d’autres avantages aux associations, unions et syndicats des journalistes, aux journalistes eux-mêmes ou aux médias, représente un risque très sérieux d'ingérence politique. Ce financement et ces avantages ne doivent être fournis que de manière à ce que toute forme d’ingérence soit exclue et que l’intégrité, la transparence et l’imputabilité soient assurées.
6. Les journalistes ont le droit de protéger le secret de leurs sources confidentielles d'information. Ce droit doit être respecté par les forces de sécurité et par tous les autres responsables. Ce droit est inaliénable, sauf sur décision de justice ou lorsqu’il s’agit de protéger un intérêt général indiscutable.
7. Les systèmes de délivrance des cartes professionnelles ou des cartes de journaliste ne devraient pas être utilisés pour contrôler l'accès à la profession. Ces systèmes devraient être supervisés par des instances indépendantes du gouvernement et administrés d'une manière équitable et transparente.
8. Les systèmes d’octroi des accréditations aux journalistes pour accéder à des lieux ou pour couvrir des événements particuliers (les équipes de journalistes parlementaires, par exemple) devraient être imposés uniquement en cas de nécessité absolue, lorsque les lieux ou les espaces sont très limités. Ces systèmes devraient également être supervisés par des instances indépendantes du gouvernement, et administrés d'une manière équitable et transparente.
9. Davantage d'efforts doivent être accomplis à la fois par la communauté internationale et les parties prenantes locales pour diffuser les normes internationales relatives à la liberté d'expression et à la liberté d'association dans le monde arabe, et pour sensibiliser sur les avantages qui découlent du respect de ces normes en termes de bonne gouvernance, de sécurité, de croissance économique et de développement durable.

El Watan le 13.03.2015 par Adlène Meddi

Au sud de la Tunisie, les contrebandiers sont au chômage

« Je suis au chômage depuis quelques mois. Je travaillais comme commerçant à la frontière depuis 2007. Je ramenais six à douze réservoirs de carburant par jour, contenant chacun 1 000 litres », raconte Amine, 35 ans, habitant Dhiba, au sud de la Tunisie, tout près de la frontière avec la Libye.

Passant par les pistes des zones montagneuses, les contrebandiers qui évitent les contrôles douaniers procèdent à diverses transactions dans le no man’s land entre les deux pays. Tandis qu’ils importent des produits en provenance de Chine ou de Turquie, essentiellement de l’électroménager, des vêtements et du carburant libyen, ils exportent des produits alimentaires subventionnés en Tunisie.

De la petite bourgade de Dhiba, les montagnes libyennes sont visibles au loin. Les citernes qui servaient il y a quelques mois au transport du carburant sont abandonnées devant les maisons. « En empruntant les pistes agricoles, nous croisions l’armée, mais nous pouvions mener ce genre de commerce tant que les produits transportés n’étaient pas illégaux. Désormais, ils ne laissent plus faire », explique Amine, fier d’annoncer que le carburant de Dhiba était distribué jusqu’à Bizerte.

Du grossiste au petit détaillant

La contrebande représentait 90 % de l’activité de la bourgade. Le reste étant constitué par une boulangerie, un café et un pseudo-magasin de produits alimentaires. À plusieurs kilomètres de là, à Mednine, un petit commerce aménagé en bord de route, à quelques mètres d’un barrage de police, revend de l’essence libyenne. C’est chez Omar, un quarantenaire, dans le métier depuis 1987.

« Non, je ne vends plus de carburant libyen, celui-ci est d’Algérie, il est rouge et non vert », dit-il, pensant s’adresser à des connaisseurs. Crise oblige, le carburant algérien se substitue au libyen et fait le trajet depuis El Oued en passant par la frontière à Gafsa. « Avec le renforcement de la surveillance au niveau des frontières, nous avons perdu l’accès au carburant libyen. Nous vivons la même crise que lors de la révolution libyenne », s’inquiète Omar.

Il vend deux fois moins de bidons depuis octobre 2014 et s’en plaint. Alors qu’il vendait le bidon de 22 litres à 9,5 dinars tunisiens, son prix atteint désormais 23,5 dinars (soit environ de 4 à 10 euros). « Bientôt, nous n’aurons plus de travail. Les autorités se trompent en faisant le lien entre contrebande et trafic d’armes. Nous faisons ce commerce parce que nous n’avons pas d’autres moyens de subsistance. Notre région est pauvre. »

La contrebande pour lutter contre les réseaux terroristes ?

Le phénomène du commerce parallèle entre la Tunisie et la Libye est relativement ancien, mais s’est accentué depuis 2011, estime un rapport de la Banque mondiale de décembre 2013. Il représenterait plus de la moitié des échanges avec la Libye. Selon ce même rapport, le commerce informel ferait perdre environ 1 milliard de dollars par an à la Tunisie.

La contrebande est surtout la principale activité des zones frontalières. En janvier 2015, après le renforcement des mesures sécuritaires et la saisie de plusieurs camions de contrebande, les habitants de Dhiba avaient manifesté contre le manque de développement de la région et réclamé un accès à l’emploi. Des affrontements avaient éclaté entre forces de l’ordre et habitants, faisant un mort et un blessé grave. La région du sud de la Tunisie est l’une des plus frappée par le chômage, lequel atteint une moyenne nationale de 15%.

D’habitude peu regardante vis-à-vis du commerce parallèle, les autorités tunisiennes changent de stratégie. Mais « augmenter les contrôles peut s’avérer coûteux et être non profitable, alimentant seulement la corruption », conclut dans son rapport la Banque mondiale. Dans un rapport publié en 2013, l’ONG International Crisis Group a estimé qu’intensifier les contrôles militaires était aussi important que de rétablir la confiance avec les résidents des zones frontalières, lesquels – en échange d’une relative tolérance – sont plus enclins à contribuer à la lutte contre les groupes armés. (Le Monde / 12.03.2015 Par Salsabil Chellali)