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samedi 31 janvier 2015

Tunisie: 2800 jihadistes tunisiens partis en Syrie...

Ridha Sfar, ministre délégué à la sécurité nationale, a affirmé dans un entretien au quotidien Attounisia publié le 29 janvier, que le nombre de jihadistes tunisiens partis en Syrie est estimé à 2800.
Parmi ces 2800 jihadistes, 1608 se trouveraient actuellement en Syrie. 600 autres seraient mort et 568 sont rentrés au pays, a affirmé M. Sfar.
L'Etat islamique serait l'organisation qui attirerait le plus les Tunisiens: 90% en feraient partie.
"L'Etat islamique est plus dangereux qu'Al-Qaïda parce qu'il fournit des solutions rapides à des jeunes qui souffrent de frustrations sexuelles, de manque d'argent et des pulsions hostiles", a-t-il expliqué.

Actuellement au Mont Châambi, il y aurait selon lui, 100 jihadistes tunisiens et algériens.
Pour M. Sfar, il y a une hausse du nombre des jihadistes tunisiens qui est essentiellement due à "la faiblesse des institutions étatiques et à l'amnistie générale effectuée après la révolution".
Quelles solutions face au retour des jihadistes?

Ces chiffres suscitent plusieurs interrogation sur la politique à adopter contre le jihadisme en Tunisie, en l'absence d'une nouvelle loi antiterroriste. La discussion houleuse de cette loi, constamment reportée à l'Assemblée constituante, n'a jamais été reprise à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Les affaires de terrorisme sont toujours appréhendées par l'Etat selon la loi héritée de Ben Ali.
Selon Ridha Sfar, la loi actuelle est capable de lutter contre ces crimes. D'autre part, un dispositif sécuritaire aurait été élaboré par le ministère de l'Intérieur pour les "jihadistes" qui sont rentrés au pays:
"Certains ont été traduits en justice alors que d'autres sont sous surveillance policière", affirme-t-il. Une "solution préventive" aurait aussi été adoptée face aux Tunisiens qui veulent voyager en Syrie:"L'Etat a interdit environ 10.000 Tunisiens de voyager en Syrie", d'après ses estimations.

Cela dit, pour M. Sfar il faut surtout "un nouveau traitement qui s'intéresse aux aspects culturels, sportifs et familiaux (...) C'est l'affaire de toute la société", a-t-il estimé.
"Je considère que le traitement sécuritaire ne suffit pas pour affronter la pensée takfiriste. Il faut des études sociologiques et éducatives pour connaitre les vraies raisons d'un tel phénomène et pour trouver des solution radicales", a-t-il ajouté.

Les attaques visant les militaires et les forces de l'ordre, attribués à des groupes jihadistes, se sont multipliées en Tunisie depuis 2013.
Ridha Sfar a été au poste de ministre délégué au ministère de l'Intérieur sous le gouvernement Mehdi Jomâa. L'un des principaux objectifs de ce gouvernement, formé en janvier 2014, était la lutte contre "la menace terroriste". Mais plusieurs organisations comme Human Rignts Watch ont considéré que des mesures de ce gouvernement ne respectaient les principes de la justice.

"Les autorités tunisiennes ont de bonnes raisons de combattre le terrorisme mais elles ne devraient pas agir en dehors du système judiciaire et bafouer des droits protégés par la Constitution et par la loi", déclarait en aout 2014 Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

(HuffPost Tunisie - 30/01/2015)

Habib Essid annonce la formation d'un gouvernement de minorité

Le chef du gouvernement désigné, Habib Essid a présenté, vendredi 23 janvier 2015, la composition du nouveau gouvernement, formé essentiellement d’une coalition entre Nida Tunis (86 sièges) et l’(UPL 15 siège) le nouveau gouvernement ne semble pas avoir la majorité nécessaire pour obtenir la confiance du parlement

liste des ministres et secrétaires d’Etat composant le nouveau gouvernement tunisien :

1.     -Ministre de l’Intérieur : Mohamed Nejem Gharsalli
2.     -Ministre de la Défense nationale : Farhat Horcheni
3.     -Ministre des Affaires étrangères : Taieb Baccouche
4.     -Ministre de la Justice et des Affaires foncières : Mohamed Salah Ben Aissa
5.     -Ministre de l’Economie et des Finances : Lasâad Zarrouk
6.     -Ministre des Investissements et de la Coopération internationale : Najib Derouich
7.     -Ministre du Tourisme : Mohsen Hassan
8.     -Ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines : Zakaria Hamad
9.     -Ministre du Commerce et de l’Artisanat : Slim Cheker
10.  -Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique : Chiheb Bouden
11.  -Ministre de l’Education nationale : Mohamed Abdelmanef Abdrabba
12.  -Ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle : Selma Elloumi Rekik
13.  -Ministre du Transport : Mahmoud Ben Romdhane
14.  -Ministre des Affaires sociales : Ahmed Ammar Younbaï
15.  -Ministre de la Santé publique : Saïd Aidi
16.  -Ministre de l’Equipement, de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire : Mohamad Salah Arfaoui
17.  -Ministre de la Culture : Latifa Lakhdhar
18.  -Ministre de la Jeunesse et des Sports: Maher Ben Dhia
19.  -Ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance : Khadija Cherif
20.  -Ministre de l’Agriculture : Saâd Seddik
21.  -Ministre des Affaires religieuses : Laâroussi Mizouri
22.  -Ministre des Technologies de l’Information et de la Communication : Karim Skik

23.  -Ministre auprès du chef du gouvernement chargé des relations avec l’ARP : Lazhar Akermi
24.  -Ministre auprès du chef du gouvernement chargé des relations avec les institutions constitutionnelles et la société civile : Kamel Jendoubi

25.  -Secrétaire général du gouvernement : Ahmed Zarrouk
26.  -Secrétaire d’Etat chargée de la fiscalité et des prélèvements : Habiba Louati
27.  -Secrétaire d’Etat chargé de la sûreté nationale : Saâd Derbez
28.  -Secrétaire d’Etat chargé des collectivités locales : Ali Trabelsi
29.  -Secrétaire d’Etat chargé des biens confisqués et des affaires foncières : Neila Chaâbane
30.  -Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères : Mohamed Ezzine Chleyfa
31.  -Secrétaire d’Etat chargé des affaires arabes et africaines : Touhami Abdouli
32.  -Secrétaire d’Etat auprès du ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale : Lamia Zeribi
33.  -Secrétaire d’Etat à la production agricole : Amel Nafti
34.  -Secrétaire d’Etat à la pêche : Youssef Chehed
35.  -Secrétaire d’Etat à l’environnement : Ben Aissa Laâbidi
36.  -Secrétaire d’Etat à l’intégration sociale : Belgacem Sabri
37.  -Secrétaire d’Etat chargée du dossier des blessés et martyrs de la révolution : Majdouline Cherni
38.  -Secrétaire d’Etat chargée de la remise à niveau des établissements hospitaliers : Hanen Arfa
39.  -Secrétaire d’Etat chargé de la jeunesse : Mohamed Jouini


23/01/2015

mardi 13 janvier 2015

Tunisie : Quatre ans après le soulèvement populaire, l'injustice prévaut toujours (HRW)

Les procès devant la justice militaire des auteurs d'exécutions extrajudiciaires présentent de graves lacunes

(Tunis) – Les efforts de la Tunisie pour faire rendre des comptes en justice aux auteurs d'exécutions extrajudiciaires, pendant le soulèvement populaire il y a quatre ans, ont été anéantis par des problèmes juridiques ou liés à la procédure d'enquête et n'ont pas permis de rendre justice aux victimes, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. À l'exception de la peine de prison à perpétuité prononcée par contumace à l'encontre de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali, qui est toujours en fuite, le long processus qui s'est déroulé devant des tribunaux militaires n'a produit que des verdicts cléments, voire des acquittements, pour les personnes qui étaient accusées d'avoir causé la mort de manifestants.


Ce rapport de 52 pages, intitulé « Une justice défaillante : Lacune des procès  pour les meurtres commis lors du soulèvement en Tunisie », analyse les efforts déployés par la Tunisie pour traduire en justice les personnes responsables du recours excessif à la force par la police entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011, quand Ben Ali a abandonné le pouvoir et fui la Tunisie. Pendant cette période, 132 manifestants ont été tués et des centaines d'autres ont été blessés. En tout, 53 personnes ont été poursuivies en justice et jugées à la fin de 2011, dont deux anciens ministres de l'Intérieur et des fonctionnaires de haut rang de ce ministère. Mais Ben Ali, le principal accusé, a été jugé par contumace. En raison de lois anciennes que les nouvelles autorités n'ont pas amendées, les procès se sont déroulés devant des tribunaux militaires.

« Bien que les autorités tunisiennes doivent être saluées pour avoir tenté de faire rendre des comptes pour les morts enregistrées parmi les manifestants, le processus a été entaché de graves lacunes pratiquement du début à la fin », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du nord à Human Rights Watch. « En conséquence, quatre ans après le soulèvement populaire, justice n'a toujours pas été faite pour de nombreuses victimes. »

Le rapport de Human Rights Watch est fondé sur des entretiens approfondis avec des avocats, des familles de victimes et des membres du système judiciaire militaire, ainsi que sur une analyse minutieuse de documents de cour, notamment du jugement de la cour d'appel militaire du 12 janvier 2014.

Les 53 accusés ont comparu devant trois tribunaux militaires de première instance, dont les jugements ont ensuite été examinés par la cour d'appel militaire, aux termes d'une loi datant de plusieurs décennies qui dénie aux tribunaux civils la compétence de statuer dans des procès engagés contre les forces de sécurité dans certaines situations.

Le processus a été entaché de graves lacunes. Lors de la phase initiale de l'enquête, l'accusation n'a pas été capable de recueillir d'importants éléments de preuve. La loi ne contient pas la notion de responsabilité de commandement, selon laquelle des personnes qui occupent une position de commandement dans le civil, dans la police ou dans les forces de sécurité, peuvent être tenues responsables de crimes commis par leurs subordonnés. En outre, un raisonnement juridique défectueux a conduit la cour d'appel militaire à abaisser au niveau de la négligence criminelle les chefs d'accusation retenus par les tribunaux de première instance à l'encontre de responsables de haut niveau, malgré la gravité des crimes.

Le fait que les autorités se sont abstenues d'insister vigoureusement pour obtenir l'extradition de Ben Ali d'Arabie saoudite, où il a trouvé refuge, a également affaibli gravement le processus. Cela a privé les procureurs et les juges de la possibilité d'interroger le principal accusé et d'examiner son rôle dans les exécutions extradudiciaires, ainsi que celui d'autres responsables de haut rang. Malgré quelques réformes effectuées en juillet 2011, le système judiciaire militaire tunisien demeure sous le contrôle de l'exécutif et ne peut pas être considéré comme indépendant.

En décembre 2013, des mois après le début des poursuites devant la justice militaire, l'Assemblée nationale constituante de Tunisie a adopté la Loi organique relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation. Cette loi instaure un système global destiné à traiter les dossiers relatifs aux violations des droits humains commises dans le passé, comprenant la création d'une Instance de la vérité et de la dignité et de Chambres spécialisées au sein des tribunaux de première instance, présidées par des juges qui recevront des formations spécifiques sur la justice transitionnelle et qui statueront sur les affaires relatives aux violations graves des droits humains. 

La loi de décembre 2013 donne à l'Instance de la vérité et de la dignité le pouvoir de réexaminer les affaires relatives au soulèvement traitées par les tribunaux militaires et de les renvoyer devant les Chambres spécialisées pour un nouveau procès. Ceci crée la possibilité que des accusés qui ont été acquittés ou ont purgé leur peine soient de nouveau jugés pour les mêmes crimes.

La réouverture de ces dossiers peut constituer un moyen de corriger les lacunes apparues dans le processus engagé devant les tribunaux militaires et de rendre justice aux victimes. Mais la réouverture de procès ne devrait être autorisée que lorsqu'elle satisfait aux normes internationales concernant les exceptions acceptables à la règle de l’interdiction de la double incrimination, a souligné Human Rights Watch. Les réouvertures de procès sont autorisées si de nouveaux éléments de preuve ont été découverts qui permettent d'engager la responsabilité pénale d'un individu dans la commission du crime, ou si un réexamen minutieux des précédents procès a montré qu'ils n'ont pas été menés de manière indépendante ou impartiale.

Le parlement tunisien devrait amender le code pénal pour y introduire une disposition sur la notion de responsabilité de commandement, et réduire les compétences des tribunaux militaires pour en exclure toutes les affaires dans lesquelles l'accusé ou la victime est un civil, a affirmé Human Rights Watch. La disposition sur la responsabilité de commandement permettrait d'éviter que des personnalités politiques ou militaires de haut rang soient exemptées de devoir répondre de crimes commis par leurs subordonnés.

« Les autorités tunisiennes devraient poursuivre leurs efforts pour s'assurer que les mécanismes de justice transitionnelle qu'elles mettent en place fonctionnent de manière indépendante et impartiale et permettent d'effectuer de réelles enquêtes, de tenir des procès équitables et de rendre la justice de manière adéquate », a affirmé 

Eric Goldstein. 12/01/2015 HRW

jeudi 8 janvier 2015

L'Etat islamique annonce l'exécution des deux journalistes tunisiens Sofiène Chourabi et Nadhir Ktari


La branche libyenne de l'organisation Etat islamique (EI) a affirmé aujourd'hui avoir exécuté deux journalistes tunisiens portés disparus en Libye depuis le 8 septembre et dont les ravisseurs étaient inconnus.

Dans un communiqué comportant des images de Sofiène Chourabi et Nadhir Ktari, publié sur des forums djihadistes, le groupe affirme avoir "appliqué la loi d'Allah" à leur encontre. L'authenticité des images n'a pas pu être vérifiée de source indépendante et les autorités tunisiennes n'étaient pas joignables dans l'immédiat.

Dans ce communiqué signé du "service de communication de la province de Barqa", le groupe accuse les deux Tunisiens de travailler pour "une chaîne satellitaire qui combat la religion".
Une image montre les deux jeunes hommes au moment de leur "arrestation" aux côtés d'un homme armé en treillis, le visage encagoulé.


La quatrième et dernière photo, légendée "Application de la loi de Dieu à l'encontre de Chourabi et Ktari", n'est pas nette. On peut y deviner un tir partant en direction d'une personne qui semble être agenouillée, ainsi que l'emblème "Il n'y a de dieu que Dieu et Mahomet est son prophète".

Tunisie : deux Tunisiennes tuées par la police


La justice tunisienne a émis aujourd'hui (07/01/2015) des mandats de dépôt contre deux policiers accusés d'avoir tué deux jeunes filles, prises pour des membres d'un groupe armé alors qu'elles circulaient en voiture à Kasserine (centre-ouest).

"Le juge d'instruction du tribunal de première instance de Kasserine a émis deux mandats de dépôt à l'encontre des deux policiers. L'enquête est toujours en cours", a déclaré Mehdi Belili, porte-parole du tribunal.

Fin août, les deux jeunes filles, qui étaient cousines et dont l'une avait aussi la nationalité allemande, circulaient en voiture lorsqu'elles ont été tuées par balle. Le ministère de l'Intérieur avait à l'époque expliqué que ses agents avaient pris les passagers du véhicule pour "un groupe armé".

Le ministère a expliqué dans un communiqué qu’une patrouille des forces de sécurité intérieure s’était positionnée au bord d’une route « à l’aube à la suite d’informations fournies par un citoyen à propos d’un groupe armé se dirigeant vers la ville de Kasserine ».

« Une voiture est passée à grande vitesse » mais malgré des signaux lumineux puis des tirs en l’air, « elle n’a pas obtempéré et a continué à rouler, ce qui a obligé les agents à ouvrir le feu, blessant deux jeunes filles qui étaient à bord de la voiture et qui sont ensuite décédées », a poursuivi le ministère.

Le cousin des deux jeunes filles, Achraf Hendiri, qui a dit qu’il se trouvait avec elles à bord du véhicule, a affirmé au correspondant de l’AFP à Kasserine que la conductrice de la voiture avait refusé de s’arrêter car elle craignait qu’il s’agisse de « terroristes ».

Témoignage accablant et très différent de la conductrice

Sondos Dalhoumi, la conductrice de la voiture, a livré son témoignage à l’Observatoire tunisien des droits et libertés (OTDL). Elle donne une version des faits, très différente de celle présentée dans le communiqué, diffusé par le ministère de l’Intérieur.

«Nous étions sur le chemin du retour lorsque nous avons été surpris par des individus qui ont surgi derrière des buissons et nous ont coupé la route, nous faisant signe de nous arrêter», raconte Sondos.

La jeune femme poursuit: «Comme il n’y avait pas de barrage policier, ni de voiture de police, ni aucun signe indiquant qu’il s’agissait d’agents de sécurité, nous avions pris peur».

Et si c’étaient des terroristes ou des braqueurs?

«Nous avons donc continué la route. On nous a tiré dessus et nous nous sommes immédiatement arrêtés. Ma soeur Ahlem, qui était à mes côtés, a reçu une balle dans la tête et un morceau de son crâne est tombé près de moi. J’ai entendu aussi Ons qui, derrière moi, crait: ‘‘Sondos, j’ai été touchée », a-t-elle ajouté.

«Une voiture s’est aussitôt approchée de nous. Des agents de police sont descendus. Je savais que ma soeur était décédée. Je les ai suppléés de nous transporter d’urgence à l’hôpital, mais ils ont eu peur, et se sont détournés, nous laissant à notre sort, et s’en sont allés. Mon cousin Achraf a alors pris lr volant pour nous conduire jusqu’à l’hôpital de Kasserine, mais avant d’y arriver, un des policiers nous ont arrêtés, en pointant leurs armes vers nous. Nous les avons suppléés, en pleurant, de nous laisser poursuivre notre chemin jusqu’à l’hôpital», .

«on ne nous a pas demandé de nous arrêter»

«Les balles étaient dirigées directement vers les personnes et non vers la voiture pour tenter de l’arrêter. Quant à moi, j’ai eu mon permis de conduire depuis une dizaine d’années», a-t-elle précisé en réponse au communiqué diffusé par le ministère de l’Intérieur.

Kasserine se trouve au pied du Mont Chaambi, où l’armée pourchasse depuis plus d’un an et demi un groupe jihadiste responsable d’attaques meurtrières contre les forces armées et la police.

Fin mai, quatre policiers gardant la maison du ministre de l’Intérieur dans la ville ont été tués dans une attaque menée par des hommes armés.
 

mardi 6 janvier 2015

Tunisie : ce serait trop bête que la révolution se fasse écraser par une bagnole pourrie

En Tunisie, Habib Essid, 65 ans, a été choisi pour prendre la tête du gouvernement. L’un des mots en vogue depuis la fuite de Ben Ali est « compétence » – ça justifie le retour des anciennes têtes. Habib Essid a notamment été « compétent » entre 1997 et 2001 en tant que chef de cabinet au ministère de l’Intérieur. En pleine dictature, au cœur même de l’organe de répression numéro 1 du régime.
S’il paraît que les hommes changent, on peut raisonnablement émettre des doutes et craindre le retour des recettes d’antan. Car les élections de 2014 ont permis aux « anciens » de réaliser un triplé. Béji Caïd Essebsi (BCE), 88 ans, a été élu président de la République en décembre et Mohamed Ennaceur occupe désormais la tête de l’Assemblée des représentants du peuple. Deux ex-ministres de Habib Bourguiba, l’inventeur du Code du statut personnel mais aussi de la présidence à vie.

Vigilance plutôt qu’une « compétence » floue

Pour la première fois en quatre ans, je suis un peu pessimiste. J’aimerais vraiment que le mot « Vigilance » supplante « Compétence » dans le lexique politique tunisien.
« Vigilance », parce qu’il suffit de pas grand chose pour réduire les avancées majeures de ces dernières années à une récréation et faire passer la révolution pour une dépravée. Continuer à faire croire aux Tunisiens – et même aux autres – qu’elle est responsable de la crise sécuritaire et économique par exemple, alors que les régimes précédents ont largement contribué à fabriquer des djihadistes et à rincer le pays.
C’est quoi être compétent ? Avoir connu Habib Bourguiba ? Avoir fait de longues études dans les années 50-60-70 ? Il ne s’agit pas de prôner une chasse aux sorcières sans fin, simplement d’établir les responsabilités et de faire des bilans.
Plus de 50 ans de dictature, des milliers de victimes et un pays couvert de bleus : Ben Ali n’a pas fait ça tout seul et avant de se faire des bisous, on aurait pu essayer de comprendre qui a fait quoi. Pour se reconstruire et ne pas reproduire les mêmes erreurs.
Vigilance, parce que j’ai vu des médias locaux reproduire les réflexes d’antan, quand leur job était de mettre la ponctuation sur des communiqués de presse. J’ai vu des journalistes tunisiens loin d’être stupides écrire des stupidités, notamment lors de la campagne présidentielle où ils ont pris fait et cause pour BCE. Leur rôle n’est pas de jouer les groupies. On sait où a mené la culture du messie, du sauveur de la patrie.

La sécurité n’est pas tout

BCE a 88 ans, il ne peut pas faire le coup du CDI. D’ailleurs, lui non plus n’a jamais été un farouche défenseur des libertés et il y a peu de chances pour qu’il ait noté « démocratie » en haut de sa liste des priorités. Qu’est-ce qui peut le contraindre à ne pas vriller ? La vigilance des Tunisiens, qui ont le devoir d’être ambitieux pour eux-mêmes et de se projeter sur le long terme.
La sécurité n’est pas tout. Elle est un préalable à beaucoup de choses, mais une armée mieux équipée ou une police qui fait de nouveau flipper ne résoudront pas les problèmes de fond, ceux qui fabriquent des djihadistes et plombent l’économie. Le clientélisme à tous les niveaux, les inégalités régionales, le niveau d’éducation qui baisse, l’extrême pauvreté...
Vigilance, un mot que ne doivent pas zapper les médias étrangers, qui ne doivent pas tomber dans le panneau d’antan, quand ils relativisaient les dérives complètement dingues de Ben Ali, et considéraient la Tunisie comme une dictature cool, parce qu’elle contenait la menace islamiste. A noter sur un post-it :
  • on peut être anti-islamiste et dangereux ;
  • anti-islamiste n’est pas un programme. La preuve, Ben Ali a passé l’essentiel de son règne à ne rien proposer.
Ce n’est pas parce que ça se passe mieux qu’en Egypte et en Syrie que le boulot est terminé. Au contraire, on entre à peine dans le vif du sujet.
Vigilance pour la classe politique, qui dans son écrasante majorité, n’a pas été à la hauteur. Pendant les élections législatives et présidentielles, elle s’est couchée, contribuant largement au vide des débats. La révolution, c’est relever le niveau d’exigence.
Pour se redresser, la Tunisie a besoin de mesure fortes. Pourtant, on a eu droit à des slogans et des formules creuses, type le « restaurer l’autorité de l’Etat »de BCE. Si c’est pour mettre une rustine ici et là, ça risque de foirer et pas qu’un peu.
Je n’ai pas envie d’écrire un jour « tout ça pour ça ». Ce serait comme un type qui aurait survécu des années seul dans une forêt sombre et dangereuse et qui, le jour où il s’en est sorti, se ferait écraser par une super 5 toute pourrie juste devant chez lui. Ce serait trop bête.
 Ramses Kefi | Rue89  06 01 2015

Opinion: Premiers signes inquiétants de la présidence BCE

Les Tunisiens le savaient mais refusaient de le dire. Au second tour de la présidentielle, ils n’avaient pas un grand choix. Pour utiliser une image, ils avaient à se prononcer entre la peste et le choléra. Ils ont mandaté, enfin de compte, le candidat porteur de l’épidémie la moins ravageuse et la moins meurtrière (choléra), en l’occurrence Béji Caïd Essebsi.

Dans leur esprit, ils étaient persuadés que le plus urgent était de voter pour la sécurité, la stabilité et la souveraineté du pays, c’est-à-dire pour un candidat on-shore ancré dans le territoire national avec toutes ses tares et non pour un autre, off-shore, inconséquent aux ordres de pays étrangers.  

Cela pour dire, tout de suite, que les Tunisiens ne doivent pas s’attendre à des miracles avec l’ère Caïd Essebsi et qu’ils doivent prendre leur peine en patience et continuer la lutte contre l’émergence d’une éventuelle nouvelle dictature.

Au regard des premiers signes de gouvernance, voire des toutes premières nominations aux plus hauts postes du législatif et de l’exécutif -les véritables postes de décision-, il semble qu’il en soit, hélas, question.

Ces nominations portent certes le sceau de BCE en dépit des garde-fous de la Constitution, mais elles illustrent surtout de manière ostentatoire la tendance du nouveau locataire de Carthage à restaurer les attributs du diktat des «super-présidents» antérieurs et à aggraver encore plus la fracture entre l’ouest et le littoral. Cette même fracture qui a été, entre autres, à l’origine du soulèvement du 14 janvier 2011 grâce auquel BCE a pu accéder à la haute magistrature suprême.

Présidence: fifty-fifty entre Tunisois et Sahéliens

Là où le bât blesse, c’est que ces premières nominations ont, hélas, des relents éminemment régionalistes. BCE s’est ingénié à faire en sorte que les têtes du législatif et de l’exécutif soient attribuées paritairement à des responsables originaires du Grand Tunis et du Sahel:
BCE (président de la République),
Abdelfattah Mourou et Faouzia Ben Fodha, vice-présidents de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), pour Tunis,
Mohamed Ennaceur, président de l’ARP, originaire d’El Jem
Habib Essid, chef du gouvernement, originaire de Sousse, pour la région du Sahel.

Ce partage du pouvoir entre Tunis et le Sahel n’est pas nouveau. Il date des anciennes dictatures qui s’étaient relayées à la tête du pays.

Pour mémoire, sur les cinq mandatures présidentielles qu’a connues la Tunisie, depuis l’accès à l’indépendance en 1956, deux sont revenues à deux Sahéliens (Bourguiba et Ben Ali) et deux aux Tunisois (Foued Mebazaa et Béji Caïd Essebsi). Le cinquième, Mohamed Moncef Marzouki, originaire de Kébili (sud de Tunisie), n’a pu accéder à ce poste que provisoirement et grâce à un caprice de l’histoire.

La primature sahélienne

Concernant la primature, cette fonction stratégique, qui succède à celle du grand vizir durant la période beylicale et du protectorat français, a été depuis 1956 le monopole de hauts cadres du Sahel. Sur un total de 15 primatures, 11 ont été occupées par des Sahéliens, 2 par des Tunisois et 1 par un du sud du pays. Pour le Sahel, il s’agit de Habib Bourguiba (1957), Hédi Nouira (1970), Mohamed M’zali (1980), Rachid Sfar (1986), Ben Ali (1986), Hédi Baccouche (1987), Hamed Karoui (1989), Mohamed Ghannouchi (1999), Hamadi Jebali (2012), Mehdi Jomaa (2014) et Habib Essid (2015).
Pour Tunis, Behi Ladgham (1970) et Béji Caïd Essebsi (2011). Et enfin pour le sud, Ali Larayedh (2013).

Le parlement tunisois

S’agissant des présidents du Parlement, ce sont les Tunisois qui ont été les plus nombreux. Sur un total de 9 présidents du Parlement, 5 ont été Tunisois, un Sahélien, un Djerbien, un Nabeulien, un Gabésien. Il s’agit pour Tunis de Slaheddine Baly (1988-1990), BCE (1990), Habib Boularès (1991-1997), Foued Mebazaa (1997-2011), Mustapha Ben Jaafar (2011-2014). Le reste des régions, à signaler pour Gabès, Jalouli Farès (1956), pour Djerba, Sadok Mokaddem (1964-1981), pour le Cap Bon, Mahmoud Messaadi (1981-1987), pour le Sahel, Rachid Sfar (1987-88).

Triomphe de l’idéologie destourienne et RCDiste

Au plan idéologique, l’appartenance politique des têtes du législatif et de l’exécutif fait ressortir, à l’exception du nahdhaoui modéré, Abdelfattah Mourou, un retour spectaculaire des destouriens de Bourguiba et des RCDistes de Ben Ali: BCE (plusieurs fois ministre au temps de Bourguiba, président de la Chambre des députes au temps de Ben Ali); Mohamed Ennaceur (ancien ministre de Bourguiba), Habib Essid (ancien secrétaire d’Etat au temps de Ben Ali) et Faouzia Ben Fodha (ancienne RCDiste) ont été tous de proches collaborateurs des anciennes dictatures.

Ce retour atypique des anciens du PSD et du RCD a amené Hamed Karoui, président du Mouvement des destouriens, à jubiler et à déclarer à une radio privée que «si son mouvement n’a pas remporté les élections, il est toutefois entièrement satisfait que l’idéologie destourienne et RCDiste ait triomphé à travers la victoire de plusieurs de ses militants», allusion bien évidemment à BCE et compagnie.

Loin de nous de mettre en question la crédibilité des nouveaux gouvernants, il nous semble toutefois qu’il existe, au regard de l’Histoire du pays, des signes inquiétants et que la vigilance doit être dorénavant de mise.

Par : Abou sarra | 05 jan 2015 | directinfo