La justice tunisienne a émis aujourd'hui (07/01/2015) des mandats de dépôt contre deux
policiers accusés d'avoir tué deux jeunes filles, prises pour des membres d'un
groupe armé alors qu'elles circulaient en voiture à Kasserine (centre-ouest).
"Le juge d'instruction du
tribunal de première instance de Kasserine a émis deux mandats de dépôt à
l'encontre des deux policiers. L'enquête est toujours en cours", a déclaré
Mehdi Belili, porte-parole du tribunal.
Fin août, les deux jeunes filles, qui étaient cousines et dont l'une avait
aussi la nationalité allemande, circulaient en voiture lorsqu'elles ont été
tuées par balle. Le ministère de l'Intérieur avait à l'époque expliqué que ses
agents avaient pris les passagers du véhicule pour "un groupe armé".
Le ministère a expliqué dans un communiqué qu’une patrouille des forces de
sécurité intérieure s’était positionnée au bord d’une route « à l’aube à la
suite d’informations fournies par un citoyen à propos d’un groupe armé se
dirigeant vers la ville de Kasserine ».
« Une voiture est passée à grande
vitesse » mais malgré des signaux lumineux puis des tirs en l’air, « elle
n’a pas obtempéré et a continué à rouler, ce qui a obligé les agents à ouvrir
le feu, blessant deux jeunes filles qui étaient à bord de la voiture et qui
sont ensuite décédées », a poursuivi le ministère.
Le cousin des deux jeunes filles, Achraf Hendiri, qui a dit qu’il se
trouvait avec elles à bord du véhicule, a affirmé au correspondant de l’AFP à
Kasserine que la conductrice de la voiture avait refusé de s’arrêter car elle
craignait qu’il s’agisse de « terroristes ».
Témoignage accablant et très différent de la conductrice
Sondos Dalhoumi, la conductrice de la voiture, a livré son témoignage à
l’Observatoire tunisien des droits et libertés (OTDL). Elle donne une version
des faits, très différente de celle présentée dans le communiqué, diffusé par
le ministère de l’Intérieur.
«Nous étions sur le chemin du
retour lorsque nous avons été surpris par des individus qui ont surgi derrière
des buissons et nous ont coupé la route, nous faisant signe de nous arrêter»,
raconte Sondos.
La jeune femme poursuit: «Comme il n’y avait pas de barrage policier, ni
de voiture de police, ni aucun signe indiquant qu’il s’agissait d’agents de
sécurité, nous avions pris peur».
Et si c’étaient des terroristes ou des braqueurs?
«Nous avons donc continué la route. On nous a tiré dessus et nous nous
sommes immédiatement arrêtés. Ma soeur Ahlem, qui était à mes côtés, a
reçu une balle dans la tête et un morceau de son crâne est tombé près de moi.
J’ai entendu aussi Ons qui, derrière moi, crait: ‘‘Sondos, j’ai été touchée
», a-t-elle ajouté.
«Une voiture s’est aussitôt
approchée de nous. Des agents de police sont descendus. Je savais que ma soeur
était décédée. Je les ai suppléés de nous transporter d’urgence à l’hôpital,
mais ils ont eu peur, et se sont détournés, nous laissant à notre sort, et s’en
sont allés. Mon cousin Achraf a alors pris lr volant pour nous conduire jusqu’à
l’hôpital de Kasserine, mais avant d’y arriver, un des policiers nous ont
arrêtés, en pointant leurs armes vers nous. Nous les avons suppléés, en
pleurant, de nous laisser poursuivre notre chemin jusqu’à l’hôpital», .
«on ne nous a pas demandé de nous
arrêter»
«Les balles étaient dirigées
directement vers les personnes et non vers la voiture pour tenter de l’arrêter.
Quant à moi, j’ai eu mon permis de conduire depuis une dizaine d’années»,
a-t-elle précisé en réponse au communiqué diffusé par le ministère de
l’Intérieur.
Kasserine se trouve au pied du Mont Chaambi, où l’armée pourchasse depuis
plus d’un an et demi un groupe jihadiste responsable d’attaques meurtrières
contre les forces armées et la police.
Fin mai, quatre policiers gardant la maison du ministre de l’Intérieur dans
la ville ont été tués dans une attaque menée par des hommes armés.
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