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mardi 30 décembre 2014

Justice transitionnelle : La sécurité présidentielle bloque le transfert de l’archive de la présidence à l’Instance Vérité et Dignité

L’instance Vérité et Dignité, chargée de mettre en place la justice transitionnelle et d’enquêter sur les crimes des régimes de Ben Ali et Bourguiba, a commencé ses travaux ce mois-ci. Ses responsables ont eu accès au palais présidentiel jeudi et ont placé la totalité de ses archives dans des cartons afin de les récupérer. Le but : les transférer aux archives nationales pour les numériser, les classer et les exploiter. Mais ils assurent en avoir été empêchés vendredi par des membres de la garde présidentielle. Leurs camions ont dû rebrousser chemin.

« Des membres du syndicat de la garde présidentielle ont bloqué l’accès au palais de Carthage à nos camions », assure la présidente de l’instance Vérité et Dignité. Sihem Ben Sedrine affirme qu’elle disposait d’un accord écrit de la présidence pour récupérer ces documents. Dans un deuxième accord, le directeur de la garde présidentielle s’engageait, toujours selon elle, à veiller sur le convoi.

Le secrétaire général du syndicat de la sécurité présidentielle, Hichem Gheribi a indiqué que Sihem Ben Ben Sedrine s’était rendue au palais, accompagnée de 6 camionnettes dans le but de récupérer les archives.

Il a ajouté que les archives ne pouvaient être déplacées, lors de cette période sensible où l’on s’apprête à la passation des pouvoirs , précisant que la mission de la sécurité présidentielle était d’assurer la sécurité du président de la République et des archives se trouvant au palais, loin des tiraillements politiques.

Le directeur général de la sécurité présidentielle et des personnalités Tawfik Kasmi, a déclaré avoir donné instructions pour empêchée de déplacer les archives présidentielles. Ridha Belhaj dirigeant du parti « Nidaa Tounes » aurait appelé, selon lui, le cabinet présidentiel, jeudi dernier, pour demander que le transfert des archives soit reporté jusqu’à la passation des pouvoirs.

La présidence réfute toute implication

Suite à cette affaire, la Présidence de la république a précisé dans un communiqué, que les rapports entre les deux institutions ont débuté au mois de juillet après que l’instance n’ait été formée, et que la Présidence a veillé à apporter le plus d’aide et de coopération pour faciliter sa mission légale.

Conformément à la loi organique numéro 53 de l’année 2013, datée du 24 décembre 2013, portant sur l’instauration d’une justice transitionnelle, notamment l’article 52, «lors d’une réunion tenue le 17 juillet 2014, la présidence de la République a exprimé ses prédispositions sans conditions, à appliquer les décisions de l’Instance au sujet du transfert des archives du palais », indique le communiqué.

La présidence ajoute que les besoins logistiques ont fait que l’opération de transfert ait été retardée, jusqu’à ce que l’Instance ait préparé les moyens nécessaires à l’opération, qu’elle ait eu un local, et aussi le temps que la Présidence répertorie les archives et prépare les bons nécessaires à l’opération.

« Quand l’opération de transfert est devenue possible, l’IVD a adressé un courrier à la présidence à la date du 24 novembre 2014, et il a été convenu que l’opération ait lieu le 26 décembre 2014. Deux représentants de l’Instance ont commencé depuis le 25 décembre à procéder au rangement des documents », ajoute le communiqué.

Le 26 décembre 2014, l’Instance Vérité et Dignité a été empêchée par le Syndicat de la sécurité présidentielle de transférer les archives. « La Présidence informe que ce comportement n’exprime pas sa position par rapport à l’Instance, et qu’elle s’engage à coopérer avec les instances constitutionnelles, conformément à ce que l’exige la loi », indique le communiqué.

Réactions de la société civile

L’Observatoire Tunisien de l’indépendance de la magistrature (OTIM) a condamné, samedi, l’empêchement fait à l’Instance Vérité et Dignité (IVD) de prendre livraison, la veille, des archives de la Présidence de la République, et « la manière dont ont été traité les membres de l’instance, en violation des dispositions de la Constitution et de la loi sur la justice transitionnelle », y voyant « une atteinte caractérisée aux institutions de l’Etat ».

L’Observatoire a mis en garde, dans un communiqué contre « l’impact de telles pratiques sur le processus de la justice transitionnelle, sur la confiance du public en l’Instance Vérité et Dignité et sur les compétences qui lui sont conférées, à la première mise à l’épreuve de sa relation avec les pouvoirs publics ».

Le communiqué a, en outre, critiqué « la politisation » ayant accompagné « les faits graves » survenus à l’entrée du Palais de Carthage, de même que « l’absence de tout rôle des institutions » et « l’irresponsabilité » des auteurs de ces agissements, « au mépris de l’autorité de l’Etat et de la primauté du droit ». L’Observatoire a considéré que « les dépassements commis par les syndicats sécuritaires, seraient de nature à porter atteinte au bon fonctionnement des institutions de l’Etat, compromettre la stabilité politique et nuire à l’action sécuritaire et syndicale».

Le Réseau tunisien de la justice transitionnelle de son coté a dénoncé Dans un communiqué publié dimanche 28 décembre « l’interdiction injustifiée par des agents du syndicat de la sécurité présidentielle, à l’Instance Vérité et Dignité (IVD), de saisir les archives de la présidence de la République ». Le réseau appelle la présidence à faciliter le travail de l’IVD, et demande que les agents de la sécurité présidentielle qui ont empêché le transfert des archives soient poursuivis en justice, « conformément à l’article 66 de la loi organique relative à la justice transitionnelle »

Le réseau de la justice transitionnelle recommande par ailleurs que les archives publiques et privées relatives aux violations soient regroupées au siège des archives nationales, à Tunis, appelant à ce que les archives soient suffisamment protégées et qu’un pavillon soit spécialement réservé à l’IVD pour sécuriser son travail. Il rappelle enfin que la justice transitionnelle est, au même titre que les élections, l’un des deux piliers de la transition démocratique.

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